TALES FROM THE LIFE OF A WUNDERKIND/
CONTE D'UNE VIE DE WUNDERKIND

L’histoire de ma vie est assez compliquée. Mon père rêvait d’avoir un enfant parfait, qui serait différent des autres, plus sophistiqué. Mais ma conception ne fut pas chose aisée. Ce ne fut qu’après plusieurs années, et avec l’aide de quelques spécialistes, que je naquis enfin. Je suis née un jour de grand froid dans les montagnes suisses, mais fus élevée à New-York. Je me suis démarquée dès le début. L’on s’émerveillait de ma petite taille, alors qu’il était évident que j’étais de nature plus complexe. J’ai toujours été en avance sur mon époque. Je pouvais donner aux gens ce que personne d’autre n’avait. Aujourd’hui, alors que je suis plus mûre, on continue à louer mon allure jeune et élégante, et mon beau visage. A partir d’un certain âge, l’apparence devient très importante, et bon nombre de personnes se refont une beauté à l’aide de petites retouches par-ci, par-là. Je peux vous assurer en toute honnêteté que mon corps et mon visage ont vieilli de façon tout à fait naturelle. Mon secret, je vous le confie, est mon patrimoine distingué. Mais j’ai également eu la chance de ne jamais être exposée aux durs labeurs ou à des sports ardus.

Je suis née dans une époque en pleine ébullition, lorsque le monde était frappé par la grande dépression. On s’est demandé pourquoi mon père se passionnait pour l’idée d’un enfant si coûteux alors que l’argent manquait cruellement et que les gens économisaient chaque centime. Mais mon père ne se laissa dissuader par personne. Il était fier de moi, me sortait et m’exhibait à travers le monde. Le moindre des sons que j’émettais était écouté avec attention. J’ai même été photographiée pour les magazines, et l’on s’émerveillait de ma beauté. Alors que je n’avais que dix ans, les journalistes m’ont présentée aux côtés de 26 autres Wunderkinder dans le magazine LIFE.

Bon nombre de personnes ont reconnu mon potentiel et ont proposé de me prendre en charge. Mon père était toujours réticent, et me gardait au plus près de lui, veillant sur moi en permanence. Cependant, lorsque je suis devenue adolescente, mon père a réalisé qu’il était temps pour moi d’avancer et de changer de vie.

Ma nouvelle demeure s’est trouvée être l’une des plus riches de tout New York. Je vivais désormais avec la très respectée famille Topping, dont l’Oncle Dan était le propriétaire des New York Yankees. J’ai passé de nombreuses journées mémorables à regarder les Yankees jouer au parc. Ma vie avait changé, et je fus présentée à la haute société du monde entier. J’acquis une certaine renommée par ma grâce et mes valeurs. Je suis restée avec mon gardien pendant plus d’une décennie, pendant laquelle je fus témoin de son mariage avec Lana Turner. Elle et moi avons été très proches. Comment décrire le plaisir que l’on ressent à être admirée par une telle star? J’accompagnais le couple lors d’événements dans le monde entier, et même à côté d’une star aussi fascinante que Lana, je continuais à attirer toute l’attention. Elle a malheureusement quitté la maison avant moi. À l’âge de 28 ans, je suis partie à mon tour, lorsque mon gardien et moi-même avons décidé de nous séparer.

Depuis 30 ans, je me suis fait discrète, ce qui ne m’a pas empêché de m’amuser. Il est difficile pour moi d’en parler, mais je dois vous confier que je viens d’être vendue aux enchères.

Aurais-je oublié de me présenter ?

Je suis la montre ultra-compliquée de James Schulz – la montre la plus compliquée du monde depuis plus d’un demi-siècle. Mon dernier propriétaire m’a confiée à Christie’s, d’où un collectionneur passionné m’a « ramenée à la maison » le lundi 13 novembre 2006, pour un peu plus d'un million de dollars.